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La méthode de Kokoya : La restitution et l'interprétation des témoignages

Transcription :

Isabelle : Une des choses qui nous parait très importante dans le cas de témoignages, c’est d’avoir une équipe professionnelle. C’est-à-dire que l’on pense que c’est très important que le rendu soit de très bonne qualité pour valoriser vraiment, justement cette parole. Alors on fait aussi du théâtre avec des personnes des quartiers qui sont très contentes de prendre la parole sur scène. Elles sont toujours accompagnées de professionnels pour que le niveau de jeu soit le plus proche de « l’excellence » pour que vraiment l’on puisse toucher le public. Parce que malheureusement, j’ai souvent assisté (Yvette aussi…) à des choses… alors nous on est complètement pas d’accord avec ça… où les gens effectivement témoignent et puis ensuite ils viennent sur scène et ils disent leur témoignage et je trouve que la richesse de ce qu’ils donnent dans ce qu’ils ont raconté et la pauvreté du rendu scénique ; on trouve ça vraiment dommage et que ça valorise beaucoup moins la parole qui est profonde et universel des gens. On reste juste (peut-être que j’exagère un peu …) : « Ah c’est bien, les pauvres !... ». Vous voyez quelque chose d’un peu comme ça…qui n’a pas la grandeur que méritent ces paroles. Donc pour nous c’est vraiment important de mettre une vraie équipe professionnelle, avec des gens talentueux, pour porter cette parole au niveau qu’elle mérite d’avoir, d’être entendue et de toucher les autres.

 

 

Claire : Est-ce que le numérique, ça pourrait pas être une façon de diffuser autrement, de trouver d’autres formes pour… ?

 

 

Isabelle : Nous, on fait du spectacle vivant, donc on est en direct avec les gens ; ils nous voient, ils nous serrent la main, on boit un verre après avec eux… il y a des fois où les gens amènent des gâteaux… parce qu’on essaye de faire des choses conviviales à la fin. Il y a cet échange qui est très important pour nous, donc dans la convivialité c’est mieux. Voilà, donc on défend le spectacle vivant. Bien sûr que par le numérique on peut faire des tas de choses, mais je pense qu’il faut inventer autre chose. Je pense que cette forme-là, elle est bien pour le spectacle vivant.

 

 

Yvette : J’appelle ça du théâtre de proximité, on est avec les gens, on est en face, on est à côté d’eux… on la joue aussi dans les théâtres. C’est sûr aussi que les gens qui ne vont pas au théâtre, quand ils viennent voir ce genre de spectacle à côté de chez eux, dans leur maison de quartier, dans leur salle d’association, dans les foyers ou autres…ils s’assoient, ils sont déjà un peu encore chez eux et ils regardent un spectacle. Ils sont assez, ma foi, captifs… ils sont captivés par ce qu’il se passe sur scène. Pour la vidéo, c’est un outil qu’on feuillette, qu’on arrête… moi-même je fais pareil, je regarde une vidéo, au-delà de 3 minutes, je regarde autre chose ou je me lève…c’est pas du tout le même rapport au spectacle. Et après, quand les comédiens en spectacle descendent sur scène, ils discutent avec eux… c’est encore nouer d’autres relations… c’est libérer la parole… c’était très fort, parce qu’il y a eu des thèmes…je me rappelle pour Le cri des sardines où l’on devait interviewer des gens qui étaient ce qu’on appelait  « les Rmistes ». Il y avait aussi des travailleurs qui n’étaient plus travailleurs…

 

 

Isabelle : Il y avait eu un atelier d’écriture avec des « Rmistes » qui avaient écrit un roman qui s’appelait Le cri des sardines à 17 mains, 14 mains… je sais plus combien… ils étaient un certain nombre et on nous avait demandé de valoriser ce livre. Donc on avait interviewé encore les gens qui avaient écrit : l’animateur, différentes personnes et on avait fait ce spectacle qu’on avait joué en différents endroits pour diffuser un peu cette expérience et permettre aussi à ce livre d’exister.

 

 

Yvette : Et les gens étaient…l’objet du livre, ils étaient contents, ils étaient fiers mais le théâtre leur a apporté autre chose… une prise de conscience de ce qu’ils avaient fait, de tout le parcours. Plutôt que de raconter l’histoire du produit fini qui était le livre, on a raconté toute l’aventure, tout le parcours, le processus de la création de ce livre et pour eux, ça leur faisait revivre des super moments parce que c’est… la difficulté émotionnelle quand on travaille avec ce genre de public, c’est que : on est avec eux, près d’eux pendant un certain temps, pas forcément dans le théâtre témoignage, encore que les dans les projets de renouvellement urbain on est souvent près d’eux par des ateliers etc…et après, tout d’un coup ça s’en va, donc ils sont plus avec nous, il y a un vide qui se crée…eux, ils avaient vécu ça après une expérience de combien ? un an ou presque…l’écriture, après il y a eu donc l’écriture en lui-même du livre, parce que le choix de certains textes, l’édition etc…la publication, c’était encore un autre souci…donc ok, mais quand ils ont revu tout ce qu’il s’était passé pendant cette année qu’ils ont vécue en groupe avec les animateurs et autres…et puis tout d’un coup, un éclairage autre qui était donc le commanditaire de l’époque, ça les a ramenés dans toutes ces émotions, dans tout ce vécu…donc nous, on a du mal, des fois, à quitter ces gens. Donc ce qui est bien, nous on se dit, on laisse une trace : c’est le spectacle quoiqu’il arrive, nous même si on part, on a le spectacle qui est la trace qui est là. Et c’est ça que nous, on aimerait vraiment jouer partout, pour montrer que cette trace, elle est là. C’est pas un compte rendu sur un papier qui va éclairer le public, qui va réveiller les âmes et autres. Moi je pense que c’est hyper important le spectacle vivant.


 




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