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La géo-histoire : une approche sensible du territoire

Transcription :

Une approche sensible du territoire

CLAIRE : Tu arrives dans des rues que tu ne connais pas, et tu cherches des traces et des vestiges. Comment tu fais ? Est-ce que tu peux nous raconter comment tu as fait.

ANTONIO: Il faut dire aussi que j’ai fait, des exercices de reconnaissance dans les paysages avec les plus petits. De l’école, avec les écoles, à partir des plus petits. Parce qu’en effet pour moi je vois des choses, j’entends des choses, des signes, mais les jeunes, les plus petits entendent des signes différents. C’est très important pour moi. C'est-à-dire peut être une couleur… Si tu te promènes, pas seulement dans la ville. Moi j’ai fait tout ça dans la ville en effet, parce que la ville c’est le grand thème des sciences humaines, les sciences humaine sont confrontées à la ville, mais je l’ai fait aussi au dehors de la ville. Et surtout la posture de la géohistoire, c’est une posture qui accompagne une exploration, et accompagne avec l’idée que nous sommes tout le temps sur des limites, des frontières. Pour moi c’est important pas seulement de voir les bâtiments, il y a de très belles ballades faites par des architectes à Paris, sur l’architecture, mais de rencontrer les gens qui sont là, de poser aussi des questions, peut être c’est possible que tu rencontres des gens qui habitent là et qui ne connaissent pas du tout l’histoire du site qu’ils habitent mais dans les rencontres normalement il ya des choses qui sortent, parce que la question de l’histoire orale, et c’est l’histoire de la géohistoire c’est de poser les bonnes questions.

CLAIRE c’est quoi les bonnes questions.

ANTONIO : les bonnes questions…Ah oui la question des bonnes questions. Il faut reconnaitre les écarts, les écarts du récit des gens, les écarts de l’histoire, les choses qui sont là un peu abandonnées, un peu en dehors du présent. Pourquoi il y a justement un objet qui a habité une autre époque mais qui est encore là, pourquoi il y a un signe qui n’est pas de la modernité, qui n’est pas dans le décor d’aujourd’hui, mais il est là. Pourquoi quelqu’un garde une petite décoration, la bannière italienne, une photo sur le mur. Peut être personne ne garde plus rien mais encore, il y a des petits signes. Ca peut être une chose sur le trottoir, à l’entrée du bâtiment. Quelquefois tu trouves aussi des petits fers sur les bâtiments pour les chaussures, pour déposer les chaussures. Il faut justement regarder tout ça. Mais ce sont des objets ou des signes qui ne sont pas dans le décor urbain d’aujourd’hui. Aussi il y a la question des silences, là c’est la question de la mémoire. Ils sont plus intéressants les silences que les choses qui arrivent direct.

CLAIRE : la question des cinq sens et la géohistoire. Alors, regarder, écouter, sentir, goûter…Qu’est ce que tu fais par exemple pour toucher les cinq sens ?

ANTONIO: pour moi les odeurs c’est important. Dans la ville tu as les odeurs de la ville. Il y a tout une littérature sur les odeurs de la ville et les odeurs du travail. Si on sort de la ville pour chercher toutes les traces de l’industrie, alors là vraiment… les odeurs âcres de l’industrie, c’est très important pour reconnaitre les lieux. C’est vrai qu’il ya des endroits où tu sens le fer, pas aujourd’hui le charbon, mais tu sens du fer, mais aussi peut être tu peux sentir l’odeur de la terre. Mais moi j’ai besoin de faire des exercices de reconnaissance (…), de reconnaissance des cultures des gens, des histoires des gens. Les odeurs c’est important, parce que les odeurs de la cuisine, dans les rues, tu les sens encore aujourd’hui tranquillement, on n’a pas l’habitude mais c’est encore là, il ya encore des gens qui font la cuisine. Ou sinon, en tous cas, dans la rue, c’est plein de gens qui font la cuisine en tant que traiteurs… il y a des écarts, oui, la ville est composée de lieux différents, sinon ce n’est pas une ville, c’est autre chose, ça s’appelle plus la ville, peut être ça peut être que la ville du futur, ce n’est pas vraiment une ville, c’est tout standardisée, c’est standard. Mais nous on a le devoir, le devoir d’historialité, de garder la différence culturelle

CLAIRE : De chercher entre les choses standardisées ce qui n’est pas standardisé, qui est resté du passé, qui est approprié.

 

ANTONIO: Oui, c’est le devoir de citoyenneté c’est de dire que le sujet c’est fait par les mémoires des différences, par des cultures qui se rencontrent tout le temps. Et là c’est l’espace en effet. C’est nous qui arrivons à habiter l’espace pour qu’il nous apporte en effet des différences. Et les lieux… à chaque lieu tu retrouves une différence. C’est clair, c’est le jeu de la ville, le jeu des lieux partagés, qui ont besoin d’être manipulés, sinon il n’y a pas de rencontre. Il faut avoir l’oreille pour les reconnaitre. C’est un exercice, il faut le faire ensemble.

CLAIRE : Quand tu parles du silence, c’est ce que les gens ont oublié, ou ce dont ils ne parlent pas, ou bien ce qui a été effacé aussi ?

ANTONIO : Il ya l’oubli, les choses qui sont effacées, mais il ya aussi l’erreur. L’erreur. C’est à dire, je fais une erreur de chronologie, là c’est classique. Et peut être je peux poser la question tout de suite, je suis dans la rue, hier, je rencontre des gens : « excusez moi j’ai une question à vous poser nous on est là pour promener dans la rue Claude Tillier, …La il y a un bâtiment, mais quelle époque ? Vous savez, vous ne savez pas » ? L’erreur c’est plus intéressant que la bonne réponse. Parce que l’erreur, c’est une erreur de l’imaginaire. J’ai imaginé des choses. Les choses que j’ai imaginées sont très importantes pour moi, ma personnalité, mon caractère historique, ma connotation historique, en tant que personnalité, que sujet, a besoin de se représenter dans une certaine époque. Si j’habite un lieu et que je fais une erreur de chronologie, c’est important. Moi j’habite un bâtiment des années cinquante, là c’est tout imaginaire, peut-être que le bâtiment est du 19e siècle, c’est autre chose. C’est l’histoire orale qui m’a habitué à faire ça. Normalement pour l’histoire orale, il faut du temps, il faut rester longtemps avec le sujet, ce n’est pas le cas dans les explorations où c’est plus immédiat, mais c’est vrai que peut être la même erreur qui se retrouve chez deux ou où trois témoins, c’est déjà.

 

CLAIRE : il n’y a pas d’espaces qui ne parlent pas du tout, que tu n’arrives pas à faire parler, qui ont perdu complètement leur mémoire. Ca existe ou c’est impossible.

ANTONIO : Je crois que c’est à nous d’entendre la mémoire. La mémoire est là. Tu ne la vois pas mais elle est là. IL faut apprendre à l’entendre. Non, c’est l’espace, c’est habité, il y a des mémoires à entendre. C’est clair qu’il faut aussi maitriser les codes. Il faut apprendre des codes qui peut être ne sont pas dans la formation originelle des citoyens.

CLAIRE IL faut apprendre à sortir de son bureau pour les historiens apprendre à se promener dans la ville, à regarder des choses qu’on ne regarde pas d’habitude.

ANTONIO : Vraiment je me souviens, dans un quartier italien, un quartier industriel, j’ai pas mal voyagé dans les quartiers industriels, le quartier changé par la guerre. Mais là avec des jeunes de la rue, des jeunes qui habitaient la rue, qui connaissaient…on ne voyait rien, sauf justement des vieilles usines abandonnées et des nouveaux bâtiments qui arrivaient, et ils m’ont dit il y a des trous où on peut entrer et là en effet ils connaissaient les trous au sous sol et les trous c’était la mémoire des bombardements. Et normalement tu ne les vois pas. C’est pourquoi il faut rencontrer les gens. Surement il y a des gens qui connaissent des histoires des lieux que tu ne connais pas.




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